Blog Magazine Yoga

   Indhira Gandhi airport a l'air d'un pot de masala sur le feu prêt à exploser et ce n'est pas la mousson au dehors qui va arranger les choses. Elle a déferlé toute la nuit sur Delhi qui flotte au petit matin à la surface, sous un ciel de charbon. Nous laissons derrière nous le vieux bazar à Pahar Ganj après une ultime puja et des offrandes à Ganesha. Huit heures de route, quelques arrêts tchai et nous approchons de Rishikesh ...

   Rishikesh m'a toujours fasciné. Quand le soleil se couche, le vent descendu des sommets s'engouffre en frémissant le long du Gange et la  vallée toute entière s'embrase comme une carte étoilée dessinée dans le ciel. La lune se lève alors tout doucement sur la jungle en s'étirant, comme perlée de craie de corail et de cendre blanche.

   Un Dernier arrêt tchai et les  premiers contreforts apparaissent. Quelques ashrams immobiles dans la jungle surplombent Haridwar et le début de la vallée des saints. L'immense statue de Siva semble marcher le long des berges du Gange et la ville danser aux sons des tablas. Une étrange Kumba Mêla s'empare avec frénésie de mon corps et je m'abandonne souverainement à elle. Rishikesh est tout proche désormais, je le sens, mon corps vient de me le dire.

     La circulation jusque là chaotique semble se compliquer au sortir de la ville mais cela ne semble pas inquiéter notre chauffeur. Des dizaines de rikchaws tous plus audacieux et chargés les uns que les autres nous dépassent  en pétaradant au dernier check point pour s'élancer à travers la dernière portion de jungle qui relie Haridwar à Rishikesh. Comment vais-je retrouver ma perle du Gange ?  

      La nuit tropicale est en train de basculer. Le Gange a enflé sous la saison des pluies et la végétation a envahi Rishikesh. L'ancien ashram de Maharishi mahesh yogi s'est engourdi sur les hauteurs de Ram Jhoola comme figé par le temps mais il y plane encore le parfum des années soixante et des Beattles. Les dernières échoppes laissent échapper l'encens avant de plier boutique pour la nuit à l'entrée du pont de Ram Jhoola qui a l'air de s'arquer sous l'effet du vent. Le Gange gronde dans son lit lorsque nous le traversons et ne se calmera que plus tard dans la nuit ; le silence sur l'autre rive semble irréel et Rishikesh s'enfonce silencieusement dans l'obscurité sans prévenir. Je ne le sais pas encore mais j'enseignerai bientôt dans l'ashram où je vais passer ma première nuit. Pour l'instant  une pluie fine et tiède coule sur les manguiers et les bougainvilliers dans le parc.    Rishikesh n'a rien perdu de sa merveille, je me sens bien et c'est tant mieux comme ça. Le parfum du Gange au dehors m'étourdit ... première méditation.

     Tout est histoire d'amour. Le but du yoga est de faire l'expérience d'un bonheur véritable et de découvrir quelle est notre réelle nature. C'est la science pure de la transcendance, une méthode spontanée d'approche et de connaissance de soi accessible à tous. Cette technique sacrée nous rapproche progressivement puis nous réunit avec nous-mêmes sans effort.

     Au commencement est la méditation.

    En méditant l'esprit apprend à faire graduellement le silence dans ses pensées puis à se connecter naturellement à la source de son être. S'abandonner à ce mouvement de va et vient des pensées est un réflexe naturel. Nul n'est besoin de forcer, lorsqu'il médite, l'esprit butine puis sélectionne une pensée avant de la chevaucher et plonge avec elle dans l'océan illimité de la conscience jusqu'à sa source.

     Il est des régions paisibles où le silence est roi ...

Le jour se lèvera dans quelques heures sur Rishikesh. L'encens continue toujours de brûler chez moi tandis qu'un microphone chante des mantras dans le parc. Au loin le Gange gronde toujours ...

Photos : Laurent (l'auteur) et Mathieu de la Revue Infos-yoga