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La philosophie de Goraksha Nâth 12/09/2025

Gorakshanâth et sa lignée

Gorakṣanātha (appelé également Gorakhnāth) est considéré comme le fondateur de l’ordre des Nātha Yogin. Son enseignement est basé sur un yoga de l’effort en vue de purifier le corps et le rendre perméable aux énergies de la Nature. Il aurait ainsi divulgué des pratiques jusqu’alors tenues secrètes et codifier le corps commun des pratiques du Haṭha Yoga.

Les avis divergent en ce qui concerne le lignage spirituel de Gorakhnâth. Tous s'accordent pour dire qu'Adinâth et Matsyendranâth le précèdent dans la succession des gurus Bien que l'un des récits établisse une liste de cinq gurus qui auraient précédé Adinâth et qu'un autre récit introduise six enseignants entre Matsyendranâth et Gorakshanâth, la tradition en vigueur de nos jours affirme qu'Adinâth n'est autre que Shiva qui aurait directement enseigné à Matsyendranâth, qui fut lui-même le guru de Gorakshanâth.

Jñaneśvar, le fameux traducteur de la Bhagavad-gītā en marathi, fut initié au culte Nâtha par son frère ainé Nivṛṭṭināth au XIIe siècle de notre ère. Selon cet auteur, Matsyendranâth serait né au Bengale oriental et fut le fondateur de la branche Yogini-Kaula une école advaitine et tantrique. Le seul texte qui lui est attribué est le Kaula-jñāna-nirṇaya-tantra, il s’agit d’un texte semblable dans l’esprit au vijñāna-bhairava-tantra, c’est-à-dire un texte ésotérique comportant des méditations subtiles afin d’atteindre la conscience shivaïte.

Selon la tradition, Guru Gorakshanâth serait né vers le VIIIe siècle, mais certains historiens datent son existence plutôt vers le Xe siècle de notre ère. Il a traversé de part en part le sous-continent indien, et des récits le concernant existent sous diverses formes dans diverses contrées, par exemple l'Afghanistan, le Baloutchistan, le Penjab, le Sind, l'Uttar Pradesh, le Népal, Assam, le Bengale, le Maharashtra, le Karnataka et même le Sri Lanka.

La tradition Nâth a donc connu son développement le plus important à l'époque de Gorakhnâth. Ce dernier a produit un grand nombre d'écrits, et encore de nos jours il est considéré comme le plus grand des Nâth. On pense de lui qu'il est le fondateur de la Nâth Sampradaya et on dit que les Neuf Nâth et les 84 Siddha sont des manifestations yogiques sous formes humaines créées pour répandre le message du yoga et de la méditation au monde. Ce sont ceux-là qui révèlent le samâdhi à l'humanité tout entière afin de perpétuer la souvenance de Shiva pour Lui-même en tant que Souverain de tout l’Univers. En Inde, il existe de nombreuses grottes qui sont dites avoir été des lieux de méditation pour Gorakshanâth. Sur un certain nombre d'entre elles, des temples ont été édifiés. Selon Bhagawan Nityananda, le samâdhi de Gorakshanath se trouve au Nâth Mandir, près du temple Vajreshwari, à environ un kilomètre de Ganeshpuri, dans le Maharashtra (Inde).

Ouvrages attribués à Gorakshanâth 

Selon Tara Michaël, voici la liste des principaux travaux attribués à Gorakshanâth :

  •       Amaraugha-śāsana : « le flot révélateur de l’immortalité »
  • Amara-nātha-saṃvāda : « les dialogues des Nâtha immortels »
  • Gorakṣa-siddhānta-saṃgraha : « le résumé des principes établis par Goraknâth »
  • Caturasīty-āsana : « les soixante-quatre posture de yoga »
  • Jñānamṛta : « L’élixir de la connaissance libératrice »
  • Yoga-cintāmaṇi : « Le joyau merveilleux du yoga »
  • Yoga-mahimā : « La gloire du yoga »
  • Yoga-mārtaṇḍa : « Le Dieu Soleil du yoga »
  • Yoga-siddhanta-paddhati : « Le guide des vérités établiés par le yoga »
  • Siddha-siddhanta-paddhati : « Le guide des vérités établies par les siddha »
  • Gorakṣa-saṃhitā : « Le recueil de Goraksha »
  • Gorakṣa- śataka : « La centurie de Goraksha »
  • Jñāna- śataka : « La centurie de la connaissance libératrice »
  • Gorakṣa-kalpa : « La règle sacrée de Goraksha »
  • Gorakṣa-gītā : « Le chant de Goraksha »
  • Yoga-bīja : « La semence de Goraksha »

Nâth Sampradaya

Les yogins qui suivent la doctrine de Gorakhnâth adoptent à la fin de leur nom le titre de Nâtha qui signifie protecteur, seigneur, maître. Ils sont également appelés kānpaṭha (oreilles fendues) à cause de l’incision qui est opérée à la fin de la cérémonie d’initiation, non pas sur les lobes mais sur les pavillons auriculaires. Cette initiation dite complète (darṣanī) est réputée douloureuse car l’incision s’opère au niveau de chaque cavité centrale dans laquelle sont insérées de larges boucles d’oreille (kundal). Certaines femmes reçoivent également l’initiation et sont appelées Nāthnī.

Visée première : Samarasya

Les Nātha Yogin sont également appelés sahajiya ou sahajayin ce qui signifie adepte de la spontanéité ou bien également adepte de la voie naturelle. Cette école préconise avant toute chose la pureté de cœur, une intention sincère de se libérer de l'illusion originelle (māyā), ainsi qu’une orientation de l’esprit tourné vers le Divin.

Selon cette voie, il est nécessaire de sanctifier, de transfigurer le corps, car il faut un corps pur, subtil et adamantin pour se libérer de la Mâyâ. Mais, ici point n’est besoin de pratiques ardues et fastidieuses, le contrôle du souffle s’obtient en faisant pénétrer les souffles dans la voie médiane (suṣumnā) grâce à la friction unifiante des souffles ascendant et descendant qui n’exercent plus la dualité. Cette pratique s’effectue sans effort, la pensée étant devenue stable, les sens le deviennent également. Quant au contrôle sexuel, il dépend de l’énonciation intérieure (ajapajapa) ; en effet dès que tout a fondu dans la voie médiane, le yogin entend intérieurement une sonorité spontanée (anāhata nāda) et s’il demeure vigilant à son égard, la kuṇḍalinī s’éveille puis s’élance dans le centre supérieur où elle s’unit à Shiva.

Grâce au sahajasamādhi la pensée s'absorbe progressivement dans la félicité, l'impression erronée d'objectivité et de dualité s'estompe et finalement disparait. Lorsqu'un tel état de conscience se répand dans toutes les activités journalières, le yogin, quelles que soient les circonstances n'éprouve qu'une seule et même saveur (sāmarasa) qui imprègne l'univers entier. Ainsi atteint-il de façon aisée, naturelle, innée, l’état d’absorption dans la félicité (unmanī) qui transcende la pensée et il devient un homme, une femme, libre, sans attache (avadhuta).

Mais pour obtenir cet état, un guru appartenant à une lignée véritable est indispensable : il doit être vénéré à l’égal de Shiva. C’est lui qui effectue chez le disciple la tenue du souffle, l’absorption de la pensée et l’éveil de la kuṇḍalinī.

Cet éveil est la première visée du Nâtha Yoga, elle est nommée ainsi samarasa ou samarasya qui signifie « saveur unique ». Dans cet état de conscience, l’adepte ressent la présence ineffable de Shiva qui s’exprime par le pouvoir de sa Shakti à travers la manifestation toute entière. Selon cette saveur unique, l’adepte ressent que son esprit est la conscience de Shiva et que son corps est la Shakti qui crée, soutient et résorbe tout l’Univers. Cette sensation véritable aboutit à une identité parfaite et non voilé de l’individu avec tout l’Univers.  Il ne s’agit pas ici d’une croyance ou d’une vision mais bien d’une sensation perçue à travers le corps, le cœur, l’âme et l’esprit du yogin. L’adepte à la voie des Nâth expérimente ainsi une Conscience plénière, c’est-à-dire la sensation corporelle doublée d’une intuition puissante d’être uni avec le Tout à travers et par la conscience de Shiva.

Visée seconde : Samâdhi

Selon les écrits relatés dans les textes attribués à Gorakshanâth, la visée suivante est celle de l’expérience du samâdhi c’est-à-dire de l’installation dans un état méditatif profond. Selon les textes, la qualité de l’état de conscience entre la méditation (dyāna) et le samâdhi reste similaire, la différence provient de la capacité à faire durer dans le temps l’état d’absorption dans la Conscience. La méditation commence par l’arrêt des pensées. Conformément au célèbre sutra de Patanjali « yoga citta vṛtti nirodhaḥ » : le yoga est la cessation des fluctuations mentales.

Cette expérience reste extrêmement difficile à décrire mais selon Christian Tikhomiroff et Yogi Mastysendranâth, l’activité des pensées ainsi que le dialogue intérieur ne peuvent s’arrêter de manière certaine qu’avec l’arrêt des souffles. Le yoga, en effet préconise l’arrêt des souffles. C’est seulement grâce à l’arrêt des souffles que le mental se pose et devient ce pur miroir reflétant la lumière de la conscience. L’arrêt pneumatique de la respiration, ne signifie pas, pour le yogin, l’arrêt de la vie, ni ne provoque le coma, au contraire c’est la condition nécessaire pour obtenir de profondes réalisations intérieures. Le yoga cherche à transmuter l’énergie du corps pour subtiliser la respiration ordinaire en une vibration énergétique. La Shakti se manifeste alors dans le corps de l’adepte pour substituer le manque d’air par un surcroit d’énergie et le déclenchement de fonctions subtiles dans le corps. La Shakti se connecte alors à travers les pores de la peau et par le corps subtil à la vibration générique (spandana) et maintient ainsi le corps du yogin dans un état de survivance méditative.

Concernant l’état de conscience correspondant à l’arrêt du mental et à l’arrêt des souffles, le yogin entre dans une zone hors de toute description. Il ne s’agit alors que d’expérience pure. Les connaissances qui y sont auto-révélées se valident par elle-même et n’ont pas besoin de preuves objectives extérieures. Le yogin sait sans avoir besoin de savoir que cela est la Vérité, le principe de la Vie qui anime et soutient toute existence. Gorakshanâth a donc expérimenté sans conteste l’état de samâdhi et nous a laissé une vision correspondante, compréhensible par les chercheurs de Vérité. L'expérience transcendante d'un Mahâyogi éveillé et la demande intellectuelle de l'homme ordinaire doivent être liées. Gorakhnâth conçoit donc la Réalité Ultime comme parā-saṃvit avec nijā-śakti, la Conscience Absolue ou Esprit Absolu, éternellement doté d'un Pouvoir unique et infini pour s'exprimer sous la forme d'un ordre cosmique phénoménal illimité, faisant évoluer d'innombrables ordres d'existences finies et transitoires dans le temps et l'espace et les harmonisant en un tout.

Gorakhnâth soutient que dans tous les ordres d'existences dérivées contingentes phénoménales, une Conscience Transcendante auto-existante et auto-illuminée (parā-saṃvit ou cit) règne en tant que leur origine, leur soutien, leur révélation et leur unification, que dans tous, c'est cette Conscience qui se manifeste dans de multiples formes objectives, finies et changeantes, et que dans toutes sortes d'expériences mentales, c'est également la même Conscience qui se révèle dans diverses formes subjectives sous diverses conditions limitatives auto-imposées. La Félicité Parfaite (ānanda), qui est l'idéal suprême de notre vie consciente, est le caractère essentiel de la Conscience Transcendante auto-existante, auto-illuminée, absolument libre et auto-manifestante. Ânanda implique l'accomplissement absolu de l'existence, de la vie, de la connaissance, du sentiment et de la volonté. C'est une caractéristique de la Conscience Absolue ou Esprit, qui jouit inconditionnellement de sa perfection dans sa nature transcendante et jouit également de sa perfection dans une infinie variété de conditions qu'Elle crée librement dans le système cosmique phénoménal. L'Esprit Absolu dépasse le cadre de la logique formelle et empirique, mais est réalisable dans l'Expérience Absolue par la pratique du yoga. La philosophie de Gorakhnâth est connue sous les noms de dvaitādvaita-vilakṣaṇa-vāda et pakṣapāta-vinirmukta-vāda. Littéralement "au-delà de la dualité et non-dualité". C'est une vue de la nature de la Réalité basée sur l'expérience mystique transcendantale des Siddha-Yogis, dans laquelle la dualité et la non-dualité sont présentes en même temps. Shiva (conscience) et Shakti (énergie) unis indissolublement.

Autre visée : Les pouvoirs supra-normaux

Enfin il est impossible de ne pas citer l’obtention des pouvoirs supra-normaux atteints seulement par les Mahâ Yogin revenus de leur expérience du samâdhi. Grâce au Yoga sutra de Patanjali et le chapitre intitulé Vibhūti Pāda, nous connaissons la liste impressionnante des siddhi potentiellement disponibles par la pratique du samâdhi. Le livre mentionne huit siddhi majeurs qui sont :

  • aṇimā : revêtir une forme infime ou réduire le corps en atomes des plus ténus ;
  • laghimā : devenir aussi léger qu’une plume ;
  • mahimā : devenir immense ;
  • prāpti : supraperception et capacité d'obtenir ce que l'on veut ;
  • prākāmya : accomplir toute chose ;
  • vaśitva : volonté irrésistible ;
  • īśitva : suprématie divine ;
  • kāmāvasāyitā  : le pouvoir de subjuguer ses passions.
Les Nâth reprennent à leur compte les yoga-sutra de Patanjali et considèrent qu’il s’agit d’une base solide. Mais ils vont plus loin et témoignent d’une mutation métabolique au niveau infra-cellulaire de sorte que le corps puisse devenir éthéré, avec l’obtention d’un corps de lumière. Le dernier témoignage de ce super pouvoir est celui des disciples de Ramalinga Swamigal ou Vallalār dans le Tamil Nadu ayant vécu au XIXe siècle. Il avait ainsi obtenu un corps de lumière qui avait les caractéristiques remarquables suivantes : Il ne laissait pas d’ombre lorsqu’il était au soleil et il n’y avait pas d’impression de sa silhouette sur les pellicules photographiques de l’époque.

Le 22 octobre 1873, Rāmalingam hisse le « drapeau de la Fraternité » sur sa résidence d'une pièce du Siddhi Valāgam à Mettukuppam. Il donne sa conférence finale et la plus populaire, sur le progrès spirituel et « la nature des pouvoirs qui nous dépassent et nous émeuvent », et recommande la méditation en utilisant la lampe allumée de sa chambre, qui  a ensuite été gardée dans un temple. Le 30 janvier 1874, Rāmalingam entra dans la pièce principale de sa résidence à Mettukuppam, s'enferma à l'intérieur et dit à ses partisans de ne pas l'ouvrir. Après l'ouverture, dit-il, on ne le trouvera pas, car il sera « Uni avec la Nature et dirigera les actions depuis les mondes subtils ». Son isolement a suscité de nombreuses rumeurs et le gouvernement a finalement forcé les portes en mai. La pièce était vide, sans aucun indice. En 1906, des documents sur sa disparition ont été publiés dans les Tamil Nadu District Gazetteers du district d'Arcot Sud.

Il s’agit de la particularité des Siddha de pouvoir être libre d’apparaître ou de disparaître à volonté dans le monde manifesté. Leur corps de lumière est devenu incorruptible et n’est plus soumis à l’usure du temps. Le célèbre Babji initiateur de la lignée du Kriya Yoga est célébré comme un Siddha et Gorakhnâth est également associé à la légende des 18 Siddha.

Omkar Âdinâthaya Namaha



Michel  Chauvet
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