Kurma Yoga | 10/05/2009 |
C'est une histoire que l'on attribue a Léonard Berstein, le musicien. Comme il sort de chez lui à New York, un touriste qui ne le reconnait pas, lui demande comment aller à Carnegie Hall, la prestigieuse salle de concert new-yorkaise, Léonard Berstem répond : « C'est très simple, il faut travailler, travailler, travailler... » Cette réponse s'applique parfaitement aux six instruments nécessaires à la pratique du kurma yoga, c'est simple, mais il vous faudra travailler, travailler, travailler...
Attention, ceci est une pratigue !
L'intégration des six instruments du kurma yoga est indispensable à toute pratique de yoga. La description de chaque instrument mériterait un long développement théorique, mais nous nous contenterons ici de souligner les aspects essentiels et comme ces instruments vous appartiennent, vous allez pouvoir les étudier directement. L'approche des instruments se fait très progressivement. Dans un premier temps vous allez les percevoir tels qu'ils sont réellement, puis comprendre leur fonctionnement, enfin, à force de travail, devenir virtuose de chacun d'eux. La première approche se fait de préférence allongé sur le dos, par une « simple » prise de conscience, une identification au premier instrument :
1- Le corps :
Même s'il n'est, pour le kurma yoga, qu'un instrument parmi d'autres, votre corps reste un instrument essentiel, c'est lui qui vous transporte et, dans la plupart des cas, il le fait plutôt bien. Les Occidentaux que nous sommes ont tendance à s'identifier définitivement avec ce corps, lorsque nous mourons, nous nous contentons de « rendre l'âme », en Inde on garde son âme et on « quitte son corps ». Cette identification est une possibilité intéressante dans les moments de plaisir, mais votre corps étant mortel, une trop forte identification s'avère anxiogène. Séneque disait que le corps n'est pas une maison, mais plutôt une auberge où les séjours sont de courte durée. Dans un premier temps, prenez conscience de la globalité de votre corps, de son ambiance, des sensations dominantes. C'est par ce travail que vous parviendrez progressivement à mesurer la juste distance qui vous sépare de lui Toujours allongé sur le dos, prenez maintenant conscience du deuxième instrument.
2- Le sol :
Le kurma yoga ne fait pas de différence entre le rapport que vous entretenez avec votre corps et le rapport que vous avez avec « votre » sol. Vous n'êtes ni votre corps, ni votre sol. Certes, contrairement au corps, vous ne vous identifiez jamais au sol, à celui que vous touchez presque en permanence. Si un jour vous étiez appelé à vivre en microgravié comme les occupants de la Station Spatiale Internationale, votre rapport avec le sol n'existerait plus de la même manière. C'est d'ailleurs en 1984, au cours de la mission soviétique Soyuz T-11 classée à l'epoque, «top secret» qu'un spécialiste indien du yoga, Rakesh Sharma séjourna dans la station Soyouz, pour enseigner aux cosmonautes l'art de se mouvoir dans l'espace en utilisant les données du kurma yoga. Mais nous sommes sur terre et sur cette terre le sol est un élément capital pour les mouvements corporels. Le kurma yoga va donc étudier de très près le rapport qui existe entre votre corps et le sol. Allongé sur le dos, balayez les contacts du corps et du sol, des talons au crâne et du crâne aux talons. Cette position offre un maximum de contacts, ressentez leurs qualités, leur évolution, l'incidence de la respiration, et plus particulièrement de l'expiration, sur ce rapport. Ensuite ce rapport s'actualisera en fonction des différentes postures (asana et mudra) ou attitudes du corps. Pour mouvoir votre corps vous apprendrez ce qu'il faut faire avec le sol, tantôt appuyer sur lui, tantôt s'appuyer. Autant vous l'avouer immédiatement, le rapport entre votre corps et le sol est souvent exécrable. Il existe entre ce corps fait de courbes et le sol d'une salle de yoga absolument plat, une incompatibilité notoire. Le puzzle semble impossible. Dans un premier temps, le kurma yoga va privilégier les attitudes, les exercices et les postures à plat dos, histoire de pacifier cette relation parfois presque douloureuse. Ajoutons que le sol est pour le corps un soutien, une résistance sur lequel il peut, soit s'abandonner, soit prendre appui et surtout que le sol est avant tout la Terre, que le globe terrestre tourne, vit et parfois tremble. Toujours allongé sur le dos, prenez maintenant conscience du troisième instrument.
3. La gravité :
C'est la force qui, en permanence, entraîne votre corps vers le centre de la terre. Cette force constante peut avoir des conséquences violentes sur le corps, des chutes ou des tassements. Intégrer la gravité consiste à faire la paix avec elle, cesser de la considerer comme une ennemie et en faire une véritable alliée. Cette intégration de la gravité se traduit symboliquement par le pouvoir de lévitation attribué aux yogi par Patanjali lui-même. Toujours allongé sur le dos, prenez maintenant conscience du quatrième instrument :
4. La respiration :
Observez votre respiration là où elle se manifeste, du nez au perinée et même au delà. Observez ce grand mystère qu'est la respiration. Prenez conscience qu'elle vous relie à la vie, à l'exterieur, au présent. La respiration est une des rares fonctions qui puisse s'exécuter dans vos deux systèmes nerveux : elle se fait toute seule lorsque vous n'y pensez pas ou lorsque vous dormez, mais vous pouvez la modifier dans une certaine mesure, la faisant ainsi entrer dans le système nerveux volontaire. Les véritables yogi sont capables d'avoir une action volontaire sur les fonctions vitales liées au système nerveux autonome, ils savent par exemple arrêter leur coeur. Certains yogi se donnaient la mort en cessant simplement de respirer. Nous ne sommes heureusement pas capables de telles prouesses. Si vous voulez vous connaître, observez votre respiration, elle exprime presque en temps réel tous les états d'âme de votre être, les émotions, les fatigues, les bonheurs, les douleurs. Prenez enfin conscience de ce que la respiration est aussi et surtout un instrument, au même titre que les autres. Toujours allongé sur le dos, prenez maintenant conscience du cinquième instrument.
5. La conscience :
Il ne s'agit pas de la totalité de votre conscience, en yoga vous n'allez utiliser qu'une infime partie de votre conscience, la partie qui, en sanskrit, est nommée città. La première définition du mot città nous est donnée par Patanjali « Le yoga est la cessation des agitations de citta. » Città est en fait ce qui vient de prendre conscience du corps, du sol, de la gravité, de la respiration. Città est composé de trois élements, manas, le mental, buddhi, l'intellect et enfin ahamkara l'ego. L'exercice permettant â la conscience de prendre « conscience » d'elle-même, celui que vous tentez, est, sans doute, l'un des plus perilleux du yoga, car lorsque citta cesse de s'identifier à autre chose que le corps, elle retrouve sa vraie nature et sa véritable dimension qui est sans forme. Toujours allongé sur le dos, prenez maintenant conscience du sixième instrument.
6. Votre détermination :
Ce dernier instrument indispensable demanderait un long développement. Pour le décrire, le kurma yoga s'appuie sur le texte de la Bhagavad-Gîtâ. En français, nous avons tendance à confondre le mot « détermination » avec le mot « volonté ». La volonté est une tension, une crispation, alors que la détermination est une énergie, celle du désir. Le yoga est une véritable science du désir. Il ne s'agit pas d'exaucer vos désirs mais, par la pratique des sankalpa, de les connaître réellement et de trouver l'énergie nécessaire à leur réalisation. Traditionnellement cette détermination est incarnée, elle se situe au centre de votre corps et est appelé Manipura. C'est un receptacle qui va conserver le surplus d'energie apporté par la pratique du yoga et mettre cette fulgurante énergie à votre disposition pour les moments où vous en aurez besoin, tout particulièrement dans votre pratique de yoga.
Terminons par cette histoire connue :
Un disciple demande à son maître combien de fois il lui faudra prendre conscience de ces six instruments avant de réellement les intégrer.
Le maître regarde alors autour de lui : « Tu vois cette forêt, et bien si tu pratiques cet exercice autant de fois qu'il y a de feuilles dans toute la forêt, cela devrait être suffisant »
Auteur : Mathieu
avec l'aimable autorisation de la revue Infos-Yoga.
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