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Sanskrit le verbe créateur de l'Univers 12/11/2020
Le sanskrit est basé sur la théorie de l’alphabet (matrika) ou roue des phonèmes (varna mālā) qui décrit précisément la création du monde manifesté suivant la puissance du verbe créateur. Dans cette théorie, le son et la parole sont à l’origine de la manifestation du monde. Toutes les manifestations observables sont engendrées par des fréquences vibratoires suivant une expression orale divine. Shiva assume l’aspect statique de la conscience en laquelle se trouvent toutes les caractéristiques de l’être sous forme de Nexus, c’est-à-dire de germes ou encore de signes contenus en latence au sein de la conscience. Lorsque ces germes entrent en vibration par l’énergie de la prise de conscience,  la Shakti, ils deviennent des Plexus, c’est à dire des roues vibrantes capables de manifester toutes les formes sensibles. Il est possible de prendre en comparaison le mécanisme de la musique jouée à travers un haut-parleur. Enfin cette émission est toujours accompagnée d’extase, elle devient alors Sexus, c’est-à-dire l’union de l’invisible et du visible, du sans forme et de la forme, du statique et du dynamique, l’union de Shiva et Shakti.

 L’alphabet sanskrit est composé usuellement de 48 phonèmes élémentaires auxquels on ajoute traditionnellement deux phonèmes (Li long et Ksha) pour correspondre aux 50 pétales des 6 chakras manifestés. Comme nous l’avons vu précédemment, l’alphabet sanskrit est calqué sur les chakras.  À ce titre, le corps subtil de l’être humain est une parfaite reproduction de toute la manifestation, identique à l’univers déployé par le Verbe Créateur divin.

 Étant pure conscience, l’Être se sait exister et possède la volonté de se connaître.  De par cette réflexion au sein de la Conscience, naissent tous les éléments créateurs de l’Univers (tattva). C’est ainsi que chaque lettre correspond à un état de conscience et à l’énergie correspondante qui en résulte dans le processus d’éveil de l’Être à lui-même. Le grammairien Pânini a codifié, vers 400 ans avant notre ère, l’alphabet sanskrit tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il est composé de 9 voyelles simples + 4 diphtongues +  2 sons accessoires + 33 consonnes.

 Les voyelles simples :

 La première lettre de l’alphabet sanskrit comme dans beaucoup d’autres alphabets est la lettre ‘a’. Elle est dite brève (laghu).  Elle est appelée Anuttara, ce qui signifie sans supérieur, sans second, primordial, transcendant. Elle est évidemment transcendante car elle représente le sujet lui-même. Elle est identique à Shiva, le Tout indivis, énergie incomparable qui s’ébranle.

 La seconde lettre est la lettre ‘ā’. Elle est dite longue (dirgha). Elle correspond à la première prise de conscience de l’être qui s’éveille à lui-même. Lorsque cette première réflexion se produit au sein de la conscience elle engendre une formidable énergie de félicité et de jouissance cosmique (Ānanda). L’être se perçoit alors en toute sa Gloire, en forme de « Je »,  pure Lumière de la conscience de Soi.

 Vient ensuite la lettre ‘i’. Elle est courte et correspond à l’état de liberté absolue de l’être envers lui-même. L’être n’est pas conditionné par quelque chose qui lui serait extérieur. De par sa nature faite conscience, il sait qu’il est la totalité de tout ce qui est. Il est donc libre et cette liberté prend la forme d’une volonté d’être à lui-même et de pouvoir développer tous ses penchants comme il le ressent intensément en lui-même. Cet état de conscience est nommé libre volonté autonome (Icchā). À ce stade la félicité devient surabondante et déborde en un désir d’émettre l’univers.

 Vient ensuite la lettre ‘ī’. Elle est longue et correspond à la prise de conscience de l’état natif de liberté absolue. Cette réflexion fait naître au sein de la conscience un sentiment de souveraineté et de majesté (Īśana). S’appuyant sur le domaine de la volonté, l’être se reconnaît en possession de multiples énergies, il éprouve de la souveraineté envers un univers idéalisé.  

 Vient ensuite la lettre ‘u’. Elle est courte et se prononce ‘ou’. Elle correspond à l’état d’ouverture et d’épanouissement  de l’être envers lui-même (Unmeṣa). Elle signifie que l’être désire se connaître et s’éprouver lui-même. L’être se tourne résolument vers l’intérieur de lui-même, il éprouve le goût d’un univers encore sans objet défini, contenant la diversité de manière virtuelle. La puissance engendrée au sein de la conscience devient paroxystique, la sensation de toutes les potentialités crée une véritable embellie, une croissance décuplée de l’énergie créatrice.

 Vient ensuite la lettre ‘ū’. Elle est longue et correspond à la prise de conscience de l’état de connaissance de l’être qui se tourne vers lui-même avec une vision différenciée et objective. Comme une vague dans l’océan de la conscience, l’énergie d’activité s’ébranle et la manifestation objective de l’univers s’esquisse au sein de la conscience subjective. À ce stade l’être ressent une telle puissance d’émanation qu’une déficience voit le jour au sein de la conscience (Ūnatā). L’Être a peur de perdre son intériorité et sa béatitude originelle s’il continue de se mouvoir vers la création de l’Univers. Dans cette expansion fantastique  à la découverte de lui-même, l’être comprend qu’il peut se perdre et manquer de maitrise, il veut garder le contrôle et le contact avec la sensation intime de Soi. Ce qui suit est donc la marque d’une inflexion dans l’embellie de cette énergie de connaissance.

Viennent ensuite les lettres ‘ṛ’ et ‘ṝ’.   Courte et longue,  elles se prononcent ‘ri’. Elles correspondent à l’intention de tout reprendre en soi-même. Ainsi voit-on l’énergie cognitive pénétrer toujours plus profondément dans le vide tout d’abord  de manière fulgurante comme l’éclair et dans  un second temps d’une manière affermie en puissante illumination. Ces lettres forment ainsi une pause dans la création, elles objectivent le feu sous forme d’éclair et d’un jaillissement d’étincelles. La tendance à créer n’est toutefois pas éteinte et passe plus simplement en arrière-plan.  À ce stade l’être s’avance davantage dans le vide sur la voie du retour vers le Soi, la conscience désire se reposer en elle-même et se stabiliser dans la félicité pour mettre un terme au désir d’émanation.

Viennent ensuite les lettres ‘ḷ’ et ‘ḹ’.   Courte et longue,  elles se prononcent ‘li’. Elles correspondent au retour à Soi et à la félicité première, sans plus aucun désir d’émanation. En effet, dès que l’être réside en lui-même, en pleine félicité, l’agitation liée à l’aventure de sa propre connaissance prend fin. Ces lettres forment ainsi la certitude absolue de l’être, d’une prise de possession de lui-même parfaitement aboutie et pleinement concrète. Elles sont comme un socle, une terre intérieure avec la sensation de l'indestructible et de l’inamovible.  À ce stade, pour que l’émanation reprenne, un autre mouvement doit surgir.  Shiva étant la plénitude, il ne peut être amoindri et la crainte d’une déficience finit par disparaitre. Cette fois-ci, il n’infuse pas sa puissance émettrice dans la volonté et dans la connaissance mais dans sa propre nature, incomparable (anuttara),  ainsi qu’en sa félicité native (ānanda).

Avec ces quatre dernières voyelles, Shiva reposant dans sa propre béatitude, la manifestation de l’Univers est au point mort.  Grâce à cette nouvelle réflexion sur les deux premières énergies Anuttara et Ananda, l’Être comprend que la création de cet univers n’est autre que la manifestation glorieuse de sa propre Nature. Pour Shiva, s’extérioriser ou s’intérioriser revient finalement au même. Ayant considéré cela, les deux énergies de départ reprennent leur œuvre. C’est ainsi que l’énergie d’activité commence à se manifester de plus en plus précisément au cours des quatre phonèmes suivants.

Les diphtongues (Kriya Shakti) :

Vient ensuite la lettre ‘e’. Cette lettre courte se prononce ‘é’. Cette diphtongue est la résultante des quatre combinaisons des lettres ‘A’ + ‘I’, courte et longue. Comme en outre, les trois énergies de volonté, de connaissance et d’activité sont en équilibre, on nomme ce phonème triangle (trikona). Cet état manque de clarté (asphuta) par rapport à ceux qui vont suivre. On le dit « embelli par le parfum de l’émission » qui s’étend jusqu’à l’énergie d’activité lorsque la félicité s’élève.

Vient ensuite la lettre ‘o’. Cette lettre courte est équivalente à ‘o’. Cette diphtongue est la résultante de la fusion de la lettre  ‘A’ courte (Anuttara)  et longue (Ānanda) avec la lettre ‘U’ courte (Unmeṣa).  Cette fusion fait accéder à une claire énergie (sphuta) sur le point d’émettre.

Vient ensuite la lettre ‘ai’. Cette lettre courte se prononce ‘aï’. Cette diphtongue est la résultante de la fusion de la lettre  ‘A’ courte (Anuttara)  et longue (Ānanda) avec la lettre ‘E’ précédente. Elle est connue sous le nom de germe à 6 angles (satkona). L’énergie d’activité devient manifeste (sphutatara), elle se trouve parfaitement pénétrée par les énergies de connaissance et de volonté.  Le germe à six angles ou étoile à 6 branches forme deux triangles inversés ayant le même centre qui représentent Shiva et Shakti indissolublement unis car on va de l’un à l’autre des triangles sans en sortir. Cette figure symbolise ainsi l’univers en Shiva et Shiva dans l’Univers. C’est ainsi que pour connaître Shiva dans sa pleine Réalité, il faut le percevoir dans l’Univers entier et pas seulement dans le Samadhi où il ne brille pas de son plein éclat.

Vient ensuite la lettre ‘au’. Cette lettre courte se prononce ‘aou’. Cette diphtongue est la résultante de la fusion de la lettre  ‘A’ courte (Anuttara)  et longue (Ānanda) avec la lettre ‘U’ ainsi de la fusion de la lettre  ‘A’ courte (Anuttara)  et longue (Ānanda) avec la lettre ‘O’. L’énergie d’activité devient nettement manifeste (sphutatama), elle est connue sous le nom de trident (trishula). On l’appelle ainsi car les trois énergies de volonté, de connaissance et d’activité, en parfait équilibre, y sont clairement manifestées. Le yogin qui tient fermement  ce trident dans son cœur, peut mener une vie active dans le monde sans être victime de ses contingences. 

Les accessoires (ou spéciales) :

À ce stade, l’Être établit une nouvelle pause, car il a la sensation d’une grande satisfaction, d’une plénitude.

Vient ensuite la lettre ‘ṃ’. Cette lettre se prononce ‘am’ avec nasalisation. Elle est nommée Anusvāra. Elle représente la vision intuitive de l’unité universelle, qui sous forme de lumière consciente s’étend de la suprême énergie à celle d’activité. Toutes les énergies bien éveillées confluent en seul point en lequel fusionnent Shiva, Sakti et Manu (l’homme primordial).  En fait, malgré la création de tout cet univers, la nature du Soi, qui est conscience et béatitude ne se trouve nullement affectée. Cette lettre montre que rien n’a vraiment encore évolué, seule existe la pure subjectivité. Shiva devient alors un point immaculé (Bindu).  En cet état, bien que fulgurant sous forme de la diversité, l’Être reste pure conscience indifférenciée, libre de toute contingence.

Vient ensuite la lettre ‘ḥ’. Cette lettre se prononce ‘aha’ en doublant le ‘a’. Elle est nommée Visarga. Elle est représentée en écriture devanagari par le signe des deux points l’un sur l’autre ‘ :’.  À ce stade, l’être décide d’émettre l’univers sans pour autant perdre son intériorité. Il envisage ainsi l’émission d’une double manière : d’un côté tout est émis, de l’autre rien n’est émis, si ce n’est la gloire de la Connaissance épanouie. C’est ainsi que Shiva après les Kriya Shakti, engendre une double perception intérieure et extérieure. Jusqu’à alors, il n’y avait qu’une réflexion au sein de Shiva, à partir de cette lettre nait une double réflexion avec Shakti. La réflexion au sein de la Shakti provient des cinq énergies primordiales qui se reflètent entre elles. À partir du Visarga, l’ensemble des éléments créés (Tattva) est le produit d’un reflet des cinq énergies premières : Pure conscience (Cit représenté par Anuttara), Félicité et béatitude originelle (Ānanda), Libre volonté autonome (Icchā), Connaissance (Jñāna représenté par Unmeṣa)  et  Activité (représenté par les Kriya Shakti). Ce reflet se produit non seulement en Shiva mais également entre ces cinq énergies primordiales. En effet en chacune de ces énergies existe l’ensemble des cinq autres énergies. Simplement si toutes les énergies sont présentes en même temps dans chaque énergie, il y en a toujours une qui prédomine.

 Les consonnes :

Après ces voyelles, l’Anusvara et le Visarga, Shiva se manifeste doublement à l’extérieur et à l’intérieur. Shiva grâce à sa Shakti émet directement jusqu’aux éléments les plus grossiers sans pour autant perdre la sensation de sa grâce intérieure.  Ainsi cinq énergies en chacune des cinq énergies donnent les 25 tattvas de la terre à l’individu.

Chaque consonne est accompagnée de la lettre ‘a’ pour les besoins de la prononciation. Il s’agit donc d’un alphabet syllabique. Sur ce sujet, il est à noter qu’une consonne seule ne peut être prononcée sans une voyelle, fut-elle un ‘e’ muet. C’est ainsi que les consonnes sont la manifestation de Shiva en tant que germe de la consonne elle-même et de Shakti en tant que voyelle avec l’énergie de la prononciation.

Les 5 Varga

20 Occlusives

5 Nasales

 

Sourdes

Sonores

Sonores

 

Non aspirée

Aspirée

Non aspirée

aspirée

 

Gutturales

ka

kha

ga

gha

ṅa

Palatales

ca

cha

ja

jha

ña

Cérébrales

ṭa

ṭha

ḍa

ḍha

ṇa

Dentales

ta

tha

da

dha

na

Labiales

pa

pha

ba

bha

ma

Les cinq éléments grossiers (mahābhūta) correspondant aux cinq consonnes de la 1er ligne, sont produits par le reflet en Shiva sur Ananda et Anuttara qui restent unis et le reflet en Shakti qui combine les cinq énergies de la façon suivante :  le reflet où prédomine Cit Shakti est l’éther (akāsha) et correspond à la lettre ‘ṅa’,  le reflet où prédomine Ananda Shakti est l’air (vayu) et correspond à la lettre ‘gha’,  le reflet où prédomine Iccha Shakti est le feu (Agni) et correspond à la lettre ‘ga’,  le reflet où prédomine Jnana Shakti est l’eau (Jala) et correspond à la lettre ‘kha’,  le reflet où prédomine Kriya Shakti est la terre (pṛthivī) et correspond à la lettre ‘ka’.

Les cinq essences des sens (tanmātra) correspondant au cinq consonnes de la 2eme ligne, sont produits par le reflet en Shiva sur Iccha et Îshâna qui restent unis et le reflet de Shakti qui combine les cinq énergies de la façon suivante :  le reflet où prédomine Cit Shakti est l’essence du son (śabda) et correspond à la lettre ‘ña’,  le reflet où prédomine Ananda Shakti est l’essence du toucher (sparśa) et correspond à la lettre ‘jha’,  le reflet où prédomine Icchâ Shakti est la forme (rūpa) et correspond à la lettre ‘ja’,  le reflet où prédomine Jnana Shakti est l’essence du goût (rasa) et correspond à la lettre ‘cha’,  le reflet où prédomine Kriya Shakti est l’essence de l’odeur (gandha) et correspond à la lettre ‘ca’.

Les cinq organes d’action (karmendriya) correspondant au cinq consonnes de la 3eme ligne, sont produits par le reflet en Shiva sur Amrita représenté par les lettres ‘ṛ’ et ‘ṝ’ qui restent unies et le reflet de Shakti qui combine les cinq énergies de la façon suivante :   le reflet où prédomine Cit Shakti est l’organe de la parole (vāk) et correspond à la lettre ‘ṇa’,  le reflet où prédomine Ananda Shakti est l’organe de préhension (hasta) et correspond à la lettre ‘ḍha’,  le reflet où prédomine Icchâ Shakti est l’organe de la locomotion (pāda) et correspond à la lettre ‘ḍa’,  le reflet où prédomine Jnana Shakti est l’organe d’excrétion (pāyu) et correspond à la lettre ‘ṭha’,  le reflet où prédomine Kriya Shakti est l’organe sexuel (upastha) et correspond à la lettre ‘ṭa’.

Les cinq organes de perception (jnanendriya) correspondant au cinq consonnes de la 4eme ligne, sont produits par le reflet en Shiva sur Anâshrita représenté par les lettres ‘ḷ’ et ‘ḹ’ qui restent unies et le reflet de Shakti qui combine les cinq énergies de la façon suivante :   le reflet où prédomine Cit Shakti est le sens de l’ouïe (śrotra) et correspond à la lettre ‘na’,  le reflet où prédomine Ananda Shakti est le sens du toucher (tvak) et correspond à la lettre ‘dha’,  le reflet où prédomine Icchâ Shakti est le sens de la vue (cakṣu) et correspond à la lettre ‘da’,  le reflet où prédomine Jnana Shakti est le sens du goût (rasanā) et correspond à la lettre ‘tha’,  le reflet où prédomine Kriya Shakti est le sens de l’odorat (ghrāna) et correspond à la lettre ‘ta’.

Les éléments constituant le sujet limité correspondant aux cinq consonnes de la 5eme ligne, sont produites par le reflet en  Shiva sur Jnana représenté par les lettres ‘u’ et ‘ū’ qui restent unies et le reflet de Shakti qui combine les cinq énergies de la façon suivante :  le reflet où prédomine Cit Shakti est la personne (puruṣa) et correspond à la lettre ‘ma’,  le reflet où prédomine Ananda Shakti est la nature (prakṛti) et correspond à la lettre ‘bha’,  le reflet où prédomine Iccha Shakti est l’ego (ahamkāra) et correspond à la lettre ‘ba’,  le reflet où prédomine Jnana Shakti est l’intellect (Buddhi) et correspond à la lettre ‘pha’,  le reflet où prédomine Kriya Shakti est le mental (Manas) et correspond à la lettre ‘pa’.

Les semi voyelles :

ya, ra, la, va : Les trois premières de ces semi voyelles naissent des trois aspects de volonté, à savoir non éclose, éclosant et bien éclose et la quatrième qui déverse l’essence de l’émission vient de Unmesa. Ces phonèmes symbolisent les cuirasses (kañcuka) associées à l’illusion qui appartiennent au sujet limité. On ne peut pas dire que ces limitations soient créées par les énergies du seigneur Shiva, car elles représentent l’état intérieur du sujet limité. C’est pourquoi elles sont dites inhérentes (antastha) , du fait qu’elle se trouvent à l’intérieur du moi limité. Elles représentent l’état interne de la personne sous l’influence de la séparation.

Les six états intérieurs du Purusha : l’illusion (māyā), la limitation dans l’espace (niyati), la limitation dans le temps (kāla),  la limitation dans l’activité (kalā),  la limitation dans la connaissance (vidyā) et  l’insatisfaction (rāga) se réduisent à quatre par l’association de Niyati avec Râga et de Kâla avec Kalâ.  Les quatre limitations qui en résultent correspondent aux quatre semi-voyelles.  Les limitations Kâla et Kalâ, celles du temps et de la créativité, correspondent à la lettre ‘ya’ ; Vidyâ la connaissance limitée correspond à la lettre ‘ra ‘ ;  Râga et Niyati, les limitations de l’attachement et de l’espace, correspondent à la lettre ‘la’ ; et Mâyâ la puissance d’illusion et de l’objectivité correspond à la lettre ‘va’. 

À noter que pour les Nâtha, ces lettres glorifient le sujet car elles donnent vie à l’individu, sans quoi seul régnerait Shiva indifférencié.  À ce stade l’Être abandonne les cuirasses et la différenciation disparait pour laisser place à l’indifférenciation. Le Soi continue ainsi son épanouissement.

 Les sifflantes :

 ś, ṣ, s et h : Ces trois spirantes surgissent des trois aspects de la volonté, et la quatrième du Visarga. Ces quatre phonèmes étant manifestés par leur propre ardeur sont appelés vapeur (Usmān). ś représente la pure science (Shuddhavidyâ) et l’universel, le souverain (Īśvara). Quand cette émanation s’achève, l’énergie suscite le S, germe d’ambroisie, domaine de la suprême félicité, (Sadāśiva). L’Être rempli du nectar de la Conscience illuminée se reconnait comme identique à l’Univers. L’énergie manifeste enfin le germe du souffle, le H aspirée (Shakti), énergie suprême de Shiva.  Ces quatre lettres sont une émanation de l’Être illimité et comme telles se rattachent à l’état illimité de la personne.

L’incomparable A, après s’être manifesté sous forme d’énergie immanente H, retourne à soi-même, dans l’indivise Lumière de son propre soi désignée par Shivabindu. En bindu, l’univers est identique à la plénitude du Je absolu sans lequel il ne serait rien. Il ne faut donc pas percevoir l’univers partiellement, mais en son unité. Dans ce but, le yogin emboite l’un dans l’autre, le premier et le dernier des phonèmes, A et H dont la contraction en un seul point, le bindu ‘aṃ’, constitue le ‘Je’, AHAM. En réfléchissant ce mot sur lui-même, nous obtenons son palindrome MAHA qui signifie grand c’est-à-dire  le Tout. AHAM MAHA, ‘je suis le tout’, ‘je suis tout l’univers’,  ce mantra est donc l’énonciation parfaite de tout l’alphabet sanskrit.

Le yogin comprend qu’il peut se servir des bîjas et des mantras pour reproduire en son sein la manifestation cosmique. Il se sert des racines sanskrites pour stimuler l’ensemble du corps subtil et réveiller Kundalini Shakti. Pour ce faire le yogin doit retrouver la vibration sacrée, unie à  la Conscience, qui déverse son flot de science pure sur tout l’univers. Il doit ressentir en lui cette émotion et cette dimension affective, pour stimuler et mettre en mouvement tous les chakras du corps subtil.  En effet pour qu’un mantra puisse être efficient et délivrer sa puissance, il doit être prononcé avec sincérité, ferveur et grande foi envers la divinité. Sans quoi, le mantra deviendrait une diction mécanique, il ne pourrait agir sur les couches profondes du corps subtil et resterait à un niveau purement grossier.

Sources :

Sivasutra et Vimarshini de Kshemarâja  Traduction commentaires de Lilian Silburn
Shivaïsme du Cachemire le secret Suprême de Swami Lakshman Ji  (d’après Tara Michaël il s’agirait plutôt de Swami Lakshman Joo)
Les enseignements oraux directs de Yogi Mastsyendranath qui m’a permis de comprendre réellement tous les aspects subjectifs de la Matrika

Les enseignements de Hélène Marinetti sanskritiste de longue date qui donne des cours de sanskrit à distance.



Michel  Chauvet
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