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La Méditation 02/03/2014

Chaque voie religieuse a développé ses formes de méditation, mais ce qui émerge actuellement est la notion de méditation laïque. Celle-ci permet d'intégrer les valeurs de la spiritualité laïque en profondeur, et de les appliquer dans la vie quotidienne, c'est-à-dire d'avoir une vraie spiritualité, enracinée dans le vécu et l'action.


La méditation laïque va aussi plus loin que la thérapie. Celle-ci a sa fonction, et des formes simples de méditation peuvent être très utiles pour la rendre plus active et plus efficace. Cependant, la vie n'est pas qu'une longue thérapie, et de même qu'on peut aller de l'anormal au normal, de même on peut développer des formes supérieures de normalité. Ce « grand oeuvre » n'est pas réservé à une religion ou à une autre, il est ouvert à tout être humain. Les conservateurs religieux ont le défaut de marcher vers l'avenir en quelque sorte à reculons. Ils regardent toujours le passé, et considèrent comme une évidence, comme un postulat jamais remis en question qu'on ne fera jamais mieux qu'avant, et jamais autrement. Heureusement, de nombreuses autres personnes sont capables de penser l'avenir, sans idolâtrie du passé. Même s'il est important de savoir s'appuyer sur les fondations de sagesse du passé, nous avons aussi beaucoup à adapter et à construire des formes nouvelles. De plus, les religions ne transportent pas simplement des bonnes choses, elles ont aussi des déviations et des maladies. Comme dans beaucoup trop d'autres domaines, la politique, la finance, le sport, la cause principale de ces maladies est la corruption des individus. Pour ceux qui veulent s'extraire de tout cela, le retour à soi est indispensable, et la méditation est une aide précieuse dans ce sens, en tant donc que thérapie des maladies, entre autres religieuses.


La méditation comme « spiriculture »


On connaît la sériculture et l'agriculture, mais la méditation est une culture de l'esprit, où l'on fait pousser les bonnes graines et déracine les mauvaises herbes. Elle mérite donc ce nom de « spiriculture ». En apportant le soleil de l'attention, l'eau de l'énergie et l'engrais de la tendresse, les bonnes semences en nous deviendrons des arbres. Ajahn Chah était un moine de la forêt, et il comparait les pratiquants qui avaient des difficultés à progresser à de jeunes arbres. Il disait que cela ne servait à rien de les déraciner en leur reprochant de ne pas pousser assez vite. De même, il se comparait lui-même à un arbre qui donne de l'ombre et des fruits dont viennent profiter ceux qui veulent, sans que lui-même ait le souci de choisir à qui donner et à qui ne pas donner.
La méditation se dit en sanskrit bhavana ce qui signifie croissance, culture, être, devenir, et en tibétain gom, ce qui signifie familiarisation. Elle est plus que de la relaxation. Elle demande de garder une vision claire, lumineuse, qui va bien au-delà de la torpeur, et de ne pas être attaché aux états désagréables ni agréables, la relaxation faisant partie de ces derniers. Ils sont plus dangereux que les états de souffrance, car c'est à eux qu'on aura tendance à se raccrocher. Le processus de méditation suit trois phases en fait naturelles, nous pouvons les évoquer en utilisant les termes sanskrits donnés dans le védânta, on retrouve la même classification dans le bouddhisme tibétain : shravana, l'écoute d'un enseignement oral, ou son équivalent, la lecture d'un livre spirituel ; manana, la réflexion systématique sur un sujet spirituel et nidhidhyâsana, l'union intuitive à l'objet de méditation. On retrouve en fait ces trois phases dans l'acquisition de diverses compétences dans la vie. Par exemple, l'apprenti-artisan devra d'abord recevoir les explications sur la manière de s'y prendre, puis réfléchir pour les intégrer, puis ensuite pratiquer pour que son savoir-faire devienne habituel, et acquis comme une seconde nature.
Une manière de s'encourager à pratiquer, c'est de développer la motivation positive, au début et à la fin de chaque séance. Au début, on peut se souvenir de l'importance de pratiquer non seulement pour soi-même, mais aussi pour les autres : en effet, tout notre entourage appréciera qu'on devienne une meilleure personne. À la fin de la session, plutôt que de se lamenter sur ce qui n'a pas marché, sur le verre à moitié vide, on se focalisera sur le verre à moitié plein, c'est-à dire ce que nous avons compris et acquis.


A) Conseils pratiques pour la méditation


Dans un chemin de méditation, les recettes de soupe minute ou de café instantané ne marchent guère. Il faut du temps et un engagement soutenu pour réussir. En particulier, les débutants doit savoir qu'il n'y a pas lieu de se décourager si un essai de courte retraite ne donne pas les résultats escomptés. Prendre un dîner léger permet d'avoir une meilleure méditation le lendemain au petit matin. Dormir suffisamment la nuit est important, si on ne le fait pas, on somnole pendant la pratique de la journée, et ce n'est pas le but. Par surcroît, le manque de sommeil met en risque notre santé à long terme, de plus en plus d'études le prouvent. On accroît les risques de maladies cardio-vasculaires, infarctus, diabète et certains cancers, en particulier le sein. Le Dalaï-lama dit au sujet d'un sommeil suffisant : « Pour moi-même, je dois dire que j'ai beaucoup de chance en ce qui concerne le sommeil. Bien que me levant en général vers 3h30 du matin, j'essaie de m'assurer d'avoir en moyenne huit ou neuf heures d'un sommeil réparateur. Pour beaucoup de gens, qui ont des petits enfants à la maison par exemple, cela peut être difficile à organiser ». Certains moines bouddhistes font le voeu de ne jamais se coucher, en général ils dorment adossés. Webu Sayâdav de Birmanie affirme ne s'être jamais allongé depuis son ordination monastique.


La posture


La posture doit être confortable, mais pas trop, sinon on s'endort. Pour cela, le lotus est adapté, car l'étirement des articulations des jambes assure une base d'éveil continu. Cet allongement des tendons ressemble à un bâillement constant. De plus, les jambes s'enlacent l'une sur l'autre, on pourrait dire « affectueusement », elles se réchauffent mutuellement et cela permet une détente. Le lotus favorise aussi la bascule du bassin, surtout quand on est assis sur un coussin, et donc la position droite du dos. Au bout d'un certain temps dans cette posture, on a des douleurs si on bouge même un peu. Elles sont très utiles, car elles nous immobilisent, et tant que les jambes ne s'agitent pas, le mental lui-même cesse de « courir ».
Pour ce qui est des mains, les Tibétains conseillent de méditer avec la main droite sur la main gauche. Dans d'autres traditions bouddhistes, on conseille l'inverse. Pour le svara-yoga qui cherche à donner une sensation d'ouverture dans le demi-corps du côté de la narine fermée, on mettra la main du côté de la narine fermée en dessous, avec les doigts ouverts, écartés, alors que la main du côté de la narine ouverte sera au-dessus, avec les doigts fermés. En effet, on a plutôt l'impression que la main du dessous est ouverte par la pression de la main du dessus, surtout si on s'arrange pour que l'ongle du majeur de la main du dessus touche le centre de la paume de la main du dessous, ce qui déclenche aussi une sorte de réflexe d'ouverture.
La langue peut être redressée pendant la pratique, et cela de deux manières : soit dans la fosse antéro-supérieure du palais, c'est une position qui peut aider la concentration sur le « point du centre de l'être humain » comme on dit en acupuncture, c'est-à-dire le point situé au milieu de la petite rigole entre la lèvre supérieure et la base du nez. En effet, on a l'impression que la langue touche ce point par l'intérieur. Sinon, il y a la position de type kecharî moudra du yoga, où la langue est enroulée et touche l'arrière du palais, voire la luette. Ces deux positions amènent à une mise à distance de l'émotion de colère, qui de son côté se manifeste en général par la pointe de la langue écrasée contre les racines des incisives inférieures. Pour ce qui est des lèvres, on les laisse relaxées en position naturelle, si elles sont serrées en se dirigeant vers l'avant, c'est un signe d'avidité, de gourmandise, si elles sont pincées et rétractées vers l'arrière, c'est un signe de dégoût et de colère. Il s'agit de trouver le juste milieu pour ne verser ni dans un extrême ni dans l'autre.


Les yeux


S'ils sont fermés, l'avantage est une intériorisation plus facile, surtout en début de séance, l'inconvénient est la survenue progressive d'une somnolence ou d'une rêvasserie difficile à maîtriser. Quand ils sont ouverts, un des grands avantages est qu'on a un meilleur contrôle de la posture, puisqu'on voit des repères extérieurs qui nous permettent de repérer une déviation. De façon profonde, les expériences qu'on a les yeux ouverts seront revécues plus facilement pendant la vie quotidienne, où les yeux sont aussi ouverts, et cela favorisera donc le but de ce chemin spirituel selon le bouddhisme mahâyâna, c'est-à-dire l'union du samsara et du nîrvana.
Un signe d'un bon vécu de la posture, c'est de se sentir « assis en soi-même » plutôt que simplement assis sur un coussin.


La respiration


Au début, quelques respirations profondes aident à faire comprendre au corps qu'on rentre dans un autre type de travail. On peut aussi rester poumons vides en rassemblant l'énergie au centre du coeur, en répétant cela plusieurs fois. Ensuite, quel que soit le travail de focalisation qu'on fasse, il est important d'y revenir sans colère après une distraction. La colère contre soi même crée un cercle vicieux de tensions, qui pousse à s'en échapper dans la distraction, qui elle-même entraînera encore plus de colère, etc.
Il ne faut pas hésiter à compter en observant le souffle ou en faisant d'autres pratiques méditatives, au moins par période. Cela nous donne un élément de mesure de la qualité de notre attention, de plus, notre mental de base aime bien accumuler du quantitatif, de l'argent, etc. et ainsi, on peut le tromper en quelque sorte en lui faisant orienter son avidité vers un objet valable, c'est-à-dire amasser le plus de respirations conscientes en une série continue. Les Tibétains disent que si on réussit à avoir vingt-et-une respirations pleinement
conscientes, on peut passer à d'autres types de méditations plus complexes. On a la base de stabilité nécessaire pour cela.
Pour pratiquer, presque aussi importante qu'une bonne posture, est la motivation juste. Il faut se souvenir que les bénéfices de la méditation ne sont pas seulement pour nous, mais pour les autres aussi. Sans chercher d'expériences extraordinaires, les exercices sont déjà une hygiène intérieure. Si on ne la fait pas, les problèmes s'accumuleront de même que les ordures le font dans une cuisine où on ne vide pas la poubelle.


B) Différentes méthodes de méditation


1) Les visualisations


Les Tibétains conseillent de se représenter l'objet de visualisation, une statuette du bouddha en or par exemple, comme assez petit, peut-être trois ou cinq centimètres de haut, que ce soit les yeux fermés ou en regardant dans le vide, Cela aide à bien réveiller la conscience car le regard intérieur a un but précis. On visualise l'objet de méditation comme dense, cela aide à calmer l'esprit, mais très brillant, cela aide à maintenir un bon éveil. Quand le flux de notre attention passe à travers cet objet de méditation, il se met à dégager une énergie analogue à celle de l'eau d'un lac qui converge et s'engage à travers la turbine d'un barrage. Pour maintenir l'état d'absorption, la stabilité et le calme mental sont les deux qualités principales. Une manière d'éviter la somnolence est de voir très clairement tous les détails de l'objet de méditation. À tel point que le Dalaï-lama témoigne qu'il préfère garder ses lunettes pour méditer, car il s'est aperçu que lorsqu'il les retirait, il se mettait à voir tout en flou. Une autre image primordiale pour comprendre l'importance de la focalisation est celle du laser : parce que ses ondes sont cohérentes, il peut agir directement sur la matière qu'il touche, contrairement à la lumière habituelle qui n'a pas cette force.


2) L'attention au moment présent


Le but est de rester là, relaxé, sans rien faire, sans même contrôler ses pensées. On les voit simplement qui passent sur l'écran de notre conscience sans le déformer, comme des images reflétées sur un miroir ne portent pas atteinte à son intégrité. A ce moment-là, ce miroir correspondra à la « luminosité simple » qui est la base de notre conscience. Cela permet de se démêler de l'identification aux pensées, sachant que celles-ci ont une tendance naturelle à, de toute façon, s'emmêler sur elles-mêmes, comme une corde quelque peu ballottée au fond d'un sac finira par faire des nœuds.


3) L'altruisme


La méditation du théravada pour développer l'altruisme est simple : on se représente trois groupes : les amis, les gens neutres et les ennemis, et on essaie de diffuser le sentiment de sympathie pour les amis aux deux autres groupes. Le bouddhisme tibétain développe tonglen, prendre et donner : on se visualise par exemple comme une montagne inébranlable, sur l'inspiration on amène vers soi les fumées noires des souffrances du monde, sur l'expiration on émet une nuée lumineuse qui dissipe toute cette fumée noire. Tenzin Palmo conseille de pratiquer cette méditation en particulier avec des gens proches qui nous posent des problèmes, comme cela elle est réellement vécue, elle n'est pas diluée dans l'universel. Une troisième méditation de compassion est donnée par un maître tantrique de l'Inde médiévale, Rahula Gupta. Il déclare qu'il la tient directement de son maître et qu'elle est suffisante pour développer la compassion. Elle permet aussi d'accéder à une expérience de non-dualité.
Voici l'enseignement de la lignée orale sur la méditation : forme qui contient tous les bouddhas, nature de l'esprit de tous, la syllabe houng, blanche. Médite-la dans ton cœur et celui des autres. Sur le siège en forme de soleil, une goutte essentielle : pense qu'elle discipline tous les êtres et dissipe toutes les perturbations internes. Ceci est sans dualité : l'essence de la divinité est de ne pas avoir de nature propre. Après avoir médité ainsi sur la compassion, voici l'amour inconcevable. Afin d'aider autrui, médite ainsi : toi, méditant, imagine au niveau de ton coeur un lotus aux mille pétales, de la taille d'une perle. De celui-ci émanent une lumière blanche et une lumière rouge. Entre les lumières, la syllabe blanche om du dieu du feu. Il n'y a pas de pratiques matérielles, ne pense à rien du tout. Ceux qui pratiquent cette méditation atteindront la sagesse non duelle. C'est le Corps absolu, clarté [sans saisie d'une] conscience. Par cette pratique subtile, tu atteindras la clairvoyance, tu réaliseras l'état de non dualité. La nature de la joie apparaîtra et tu obtiendras le fruit, l'équanimité. Certains demeurent dans la pratique des quatre divinités ; d'autres se consacrent à la récitation orale, ils ne connaissent pas la méditation non duelle. Ces instructions orales pour le bien des autres proviennent d'une lignée qui les transmet de maître à disciple. Elles ont été données par Rahula.
Le flux centrifuge des lumières blanches et rouges véhicule nos voeux de bonheur à tous les êtres. Il est bon, quand on souhaite aux autres d'être heureux, d'ajouter le souhait qu'ils trouvent la vraie cause du bonheur. En effet, les bonheurs qui viennent par hasard, comme gagner le gros lot, ne rendent pas vraiment heureux. L'avenir de ceux qui ont reçu une fortune soudaine a fait l'objet d'études de psychologie. En général, ils se sont mis à avoir une vie plus compliquée, et ont développé une grande méfiance envers les autres pensant que tout le monde voulait leur prendre leur argent.


4)  Identification à un modèle


Pour ceux qui suivent une voie religieuse, cela peut être le fondateur de leur confession, ou le maître spirituel, ou un saint dans leur tradition. Pour ceux qui sont en dehors de la religion, cela peut être une personnalité qui incarne leur idéal, ou quelqu'un qui est particulièrement accompli dans son domaine, que ce soit les sciences, les arts ou l'humanitaire par exemple. Cela peut être aussi tout simplement une personne de la famille qui pour nous incarne un idéal, que nous aimerions réaliser.


5)  Les émotions perturbatrices


En un sens, elles sont une aide, car elles nous permettent de nous maintenir bien réveillés et vigilant : un méditant tibétain cité par le Dalaï-lama nous dit : « Je n'ai qu'une chose à accomplir : faire la sentinelle à l'entrée de mon esprit. Quand les défauts sont prêts à bondir sur moi, je reste prêt à me défendre ; quand ils se relaxent, je me relaxe ».


C)  Les obstacles


Ceux-ci ne manquent pas de survenir quand on persévère dans la pratique. Ce qui rend la méditation difficile, c'est que tout se passe dans le mental, nous n'avons pas de points de repère fixes à l'extérieur. Trouver la stabilité devient donc plus délicat. Cependant, certaines pratiques peuvent aider. Si par exemple le mental est agité, on peut utiliser la respiration profonde ou les formules positives telles que : « Je laisse mes distractions passer comme des images dans un miroir ». Si soit l'agitation soit la torpeur sont trop fortes, il y a toujours la solution de se lever et de pratiquer la marche consciente. Avec l'expérience, on apprend à voir très tôt si la tendance générale de notre pratique va plutôt vers la somnolence ou plutôt vers l'agitation, et on peut appliquer les mesures préventives d'avance. Comme dit le proverbe anglais, one stitch a time saves a thousand « un point de couture fait à temps en économise un millier ».
Un autre intérêt des obstacles est de nous enseigner l'humilité (nous avons à la base les mêmes problèmes pour méditer que tout le monde) et aussi de nous montrer l'intérêt de l'absence de colère. Sinon, on risque d'être comme la personne qui vient de se cogner le pied, et qui, de rage, donne un grand coup de pied à cette même pierre sur laquelle il vient de se heurter. Il n'en aura que plus mal aux pieds ! La volonté de progresser en méditation est un facteur positif, mais le volontarisme non.
Celui-ci agit sur la respiration, il peut produire une certaine paix, mais elle est comme forcée, artificiel, opaque. La paix que donne l'observation de la respiration naturelle, elle, est claire, transparente. De plus, forcer la pratique mènera au dégoût, et donc finalement à la non pratique, et ce n'est pas le but. S'asseoir ne doit pas être une autopunition, au contraire, on doit se sentir libre de le faire avec joie. Cette joie est à la fois le fruit de la pratique et le moteur pour la continuer plus avant.


D) Les bénéfices


Avant de partir pour une période de retraite dans l'Himalaya, j'ai demandé à Tenzin Palmo, cette anglaise qui a passé onze ans seule dans une grotte, si elle avait des conseils qui lui venaient à l'esprit pour m'aider. La première chose qu'elle m'a dite est : Enjoy what you are doing, « prenez plaisir à ce que vous faites », tout simplement ! Souvent, les difficultés survenues dans les pratiques passées rejaillissent sur notre présent méditatif, et donnent l'impression que le travail sur soi est très difficile, voire douloureux - alors qu'on ne s'est même pas encore assis pour s'intérioriser. Un travail de méditation régulier amène à atténuer les extrêmes, à éclairer notre intérieur en quelque sorte avec une lumière douce. Quand on ne travaille pas sur soi, on a notre « chambre du dedans » qui est : soit trop éclairée, et on est aveuglé, ou alors trop peu éclairée, et ont n'y voit plus guère. Ceci n'est pas satisfaisant, il faut pouvoir réguler ces variations afin de pouvoir se reposer dans une lumière douce. Le but de la méditation n'est pas de créer une anesthésie par rapport à nos émotions, il ne faut pas s'attendre à en avoir une maîtrise complète, ce qui est le cas seulement des pratiquants très avancés. Cependant, une pratique régulière de cette méditation, y compris dans sa forme laïque, nous aidera à être plus ancrés, enracinés dans le quotidien, en d'autres termes à avoir un mental plus gérable. Dans la pratique, nous serons attentifs à préférer la qualité à la quantité, et à se souvenir de ce pourquoi on médite : au-delà de notre confort personnel, il s'agit surtout de pouvoir nous rendre sincèrement plus altruistes. En conclusion de cette partie, il me revient à l'esprit un souvenir de la dernière réunion du Mind and Life Institute, le groupe qui a organisé la rencontre du Dalaï-lama avec les scientifiques. Elle a eu lieu à Dharamshala en automne 2013, je n'y étais pas mais j'ai pu suivre certaines sessions grâce à sa retransmission en direct sur Internet. Le sujet de ces journées était les addictions, donc un certain nombre de psychologues cliniciens s'exprimaient et exposaient ce qu'ils essayaient de faire, et leurs difficultés dans les milieux où ils travaillaient, qui pouvaient être des prisons ou des centres de réinsertion sociale, etc.
C'était touchant de voir comment ces travailleurs de première ligne exposaient leurs doutes et leurs difficultés au Dalaï-lama, finalement comme des enfants devant leur père. Celui-ci écoutait très attentivement, posait des questions pour mieux comprendre ce qui se passait, et à un moment donné il a donné un conseil clé : « Continuez ce que vous faites, cela va dans le bon sens, mais essayez d'élargir et d'approfondir »... et il soulignait ses paroles par les gestes correspondants.


Auteur Jacques Vigne

avec l'aimable autorisation de la Revue Infos Yoga



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