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Alchimie et Tantrisme 01/01/2018

Commençons par définir les termes de tantrisme et d'alchimie qui sont parfois mal compris... L'alchimie est la science qui vise à transmuter les métaux. La transmutation est le changement d'une substance en une autre, ce changement d'état pouvant être provoqué intentionnellement ou non. Quant au tantrisme, il s'agit d'un courant de pensée qui a influencé diverses religions comme le bouddhisme et l'hindouisme et sur lequel on peut trouver des informations dans les textes appelés tantra. Sa particularité est que cette voie peut être suivie sans avoir à renoncer à la vie mondaine, à s'isoler. Au contraire, les difficultés et les contraintes de la vie quotidienne peuvent servir de terrain de pratique.


Un objectif commun : transformer ce qui est


Changer l'état des choses


L'alchimie est souvent vue comme une discipline magique dont l'objectif est la transformation du plomb en or. Une vision réductrice... Les alchimistes cherchaient en réalité à transmuter toute une variété de métaux. Mais ce que l'on sait moins c'est que la véritable alchimie doit être produite en soi : l'alchimiste est aussi celui qui se transforme de l'intérieur. Le mot alchimie vient de l'arabe "al chem", littéralement "ce qui est au-dessus de la terre". Une invitation à voir ce qu'il y a au-delà des masques, des conditionnements ou plus généralement du visible ? Le mot "or" (après tout, l'alchimiste est dans la croyance populaire celui qui est à la recherche de l'or) vient de l'hébreu "aor", lumière. L'alchimie n'est pas seulement une recherche de changement d'état mais aussi de lumière. Serait-ce la lumière de la conscience que l'on cherche à percevoir lorsque l'on pratique le hatha yoga, dont les racines sont tantriques ? Quant au tantrisme, il cherche aussi à faire changer d'état. Tout le jeu est de savoir si c'est la situation ou l'observateur qui va être transmuté. À moins qu'il n'y ait pas de différence entre les deux. On peut faire un parallèle entre l'alchimie "physique", la transmutation réelle des métaux et le hatha yoga qui est l'outil du tantrisme permettant d'effectuer une transmutation physique, énergétique et mentale.


Opérer des changements en soi,
la voie la plus sûre pour changer le monde


En travaillant sur la matière dans son laboratoire, l'alchimiste travaille en réalité sur son être, tout comme le yogi qui effectue des asana recherche l'alignement du corps qui reflète celui de son mental. L'alchimie du souffle est l'une des transformations les plus évidentes que le pratiquant peut opérer en lui. En passant du souffle physique grossier à un souffle énergétique plus subtil, il crée en lui un changement d'état. Comme la transmutation des métaux qui n'est qu'un moyen de vérifier la transformation qui a bien eu lieu en soi, cette capacité (ou cette incapacité) à passer du souffle pneumatique à un souffle énergétique révèle si les modifications recherchées par la pratique ont eu lieu. Modifier sa vision du monde pour le changer, voilà la recherche. Le changement peut être opéré à l'extérieur dans certains cas, mais il ne s'agira dans tous les cas que d'une modification superficielle. Le tantrika et l'alchimiste vont plutôt chercher à modifier la racine de ce qui doit être changé. La proposition sera de changer notre état, notre vision du monde au lieu de s'atteler à changer le monde dans son intégralité.


Un refus de l'ascétisme et de la morale


Alchimie et tantrisme ont tant de points communs que les deux disciplines se retrouvent également dans leur côté provocateur, hors norme. Alchimistes et tantrika ont été les parias de leurs sociétés respectives, à la fois craints et méprisés à cause de leur différence et de leur rejet des règles établies pour le plus grand nombre. Dans les deux cas on recherche l'intensité et la saveur. Une notion qui est étymologiquement présente dans le mot qui désigne la science de l'alchimie indienne, le rasayana. "Rasa" désigne l'essence, le suc, mais avec cette notion de saveur bien présente et "ayana" la voie. Le but dans les deux cas reste bien sûr l'atteinte d'un objectif, la quête de la pierre philosophale ou le chemin vers la libération, mais la poursuite du but ne doit pas faire perdre de vue que tout se passe dans l'instant et que les actions doivent être menées pour elles-mêmes, pas seulement en vue d'obtenir quelque chose. La quête est celle de l'ouverture au monde, le pratiquant est celui qui chemine en restant plus centré sur le pas qu'il fait à un instant donné que sur la destination.



Une analogie entre soi et le monde


Microcosme et Macrocosme une même réalité


Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, par ces choses se font les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses sont et proviennent d'UN, ainsi toutes les choses sont nées de cette chose unique par adaptation. Dans l'alchimie comme dans le tantrisme, on vise à affiner la frontière entre le monde que nous qualifions d'extérieur et celui qui nous apparaît comme notre monde intérieur. L'objectif de ces voies est la reconnaissance de la nature commune de l'être humain et du monde, la compréhension de cette analogie entre microcosme et macrocosme.


Un changement permanent

et une absence de certitude


"Capable d'être dans l'incertitude, le mystère et le doute, en oubliant l'exaspérante quête de la vérité et de la raison. Voilà l'état d'esprit qui convient." John Keats


On ne crée pas de séparation nette avec le monde extérieur dans l'alchimie comme dans le tantrisme. On se plonge plutôt dans le monde pour le vivre pleinement. Il devient ensuite possible de le transmuter, de trouver le moyen de réconcilier l'intérieur et l'extérieur. Les deux voies cherchent à sortir de la dualité, le but dans tous les cas est la dissolution dans le Tout. L'alchimie est une philosophie, une manière d'être, comme le tantrisme. Si l'on sort du monde, on reste dans la compréhension théorique. Tout le jeu est de rester centré, aligné dans un monde en perpétuel mouvement. Celui qui cherche à immobiliser ce monde et qui s'accroche à des choses qu'il pense permanente dilapide en vain son énergie : la première étape est l'acceptation de ce mouvement, de cette impermanence avec ce qu'elle comporte d'inquiétant, mais aussi toutes les possibilités qu'elle offre.



L'utilisation des symboles


La nécessité d'un langage codé


Le culte du secret a longtemps imprégné ces deux disciplines qui ont suscité bien des idées reçues. Dans les deux cas les pratiquants ont été contraints de se cacher pour que la tradition perdure. Les alchimistes ont été montrés du doigt par l'inquisition, les tantrika ont subi les préjugés des puritains et des libertins, mais aussi des Anglais et des non-initiés au sens large qui ne comprennent pas la symbolique des rituels et se contentent d'apprécier leur face visible. Ainsi les alchimistes utilisent la langue des oiseaux pour faire passer leurs savoirs à travers des phrases en apparence anodines. Les tantrika de leur côté utilisaient des métaphores érotiques pour transmettre les secrets de l'éveil de l'énergie, d'où une interprétation souvent fantaisiste de leurs pratiques.


Des symboles communs à l'alchimie et au tantrisme


Deux traditions en apparence isolées mais qui partagent une symbolique commune. Les symboles ont été utilisés dans de nombreuses cultures pour construire une représentation de la réalité qui nous permette de comprendre des choses au-delà du mental. Ce qui est intéressant, c'est de constater que certains de ces symboles sont identiques dans des cultures qui n'ont à priori rien à voir. Entre l'alchimie et le tantrisme, le parallèle le plus flagrant se trouve au niveau de la symbolique des couleurs.


Une référence aux couleurs et aux qualités de l'énergie


La couleur noire en alchimie est la couleur de la matière brute que l'on doit décomposer en vue de la recréer. C'est le guna tamas qui est représenté de couleur noire : la qualité de lourdeur, d'inertie, d'opacité. Dans un second temps l'alchimiste va chercher à aligner les métaux, c'est-à-dire à les rendre transparents. C'est le guna sattva que l'on recherche ici, la qualité de légèreté, de transparence. Le but final sera de faire passer la lumière à l'intérieur de ce métal : une opération que l'on appelle l'œuvre rouge, c'est-à-dire la pierre philosophale. Le guna rajas, la qualité de mouvement est également associée à la couleur rouge. On dit parfois que cette qualité est celle qui est nécessaire au tantrika, que c'est la qualité propres aux vira, aux héros, à ceux qui ont le courage nécessaire pour affronter la vie et le monde. En chimie le fait de secouer l'eau et la plante assure un meilleur mélange. C'est le mouvement, l'agitation qui crée le mélange. C'est le rajas qui permet l'intégration des choses, c'est pour ça qu'on dit qu'une personne rajasique sera plus à même de suivre la voie du tantrisme qu'une personne très sattvique ou tamasique. Une analogie que l'on retrouve au cœur de soi, qui met en évidence le lien entre les guna et les métaux utilisés. Chaque corps contient du sel (partie lourde, tamas), du souffre (agitation) et du mercure (esprit, sattva, partie subtile, le message). Un autre lien peut être fait entre les trois métaux et les trois corps : le corps physique est le sel, le corps mental est le mercure et le messager entre les deux est le souffre, le corps énergétique.


Un lien avec les 5 éléments


Autre analogie intéressante, celle des éléments. Dans le tantrisme, le concept de bhuta représente les éléments qui constituent toute chose. On les comprend parfois comme des éléments extérieurs à nous, mais le plus intéressant est de comprendre les qualités associées aux éléments et comment ces qualités se manifestent en nous et dans le monde. L'alchimie aussi intègre le travail sur les éléments et la recherche de la cinquième essence (quintessence), la recherche de l'espace infini d'akasha.


Une recherche de vide


Sans faire le vide, impossible d'amener de nouvelles choses, le but des deux disciplines est dans un premier temps de libérer l'espace. C'est bien la symbolique du creuset ou du Graal, on recherche un espace creux, un espace plein de vide afin de pouvoir recevoir quelque chose. Comme la recherche du tantrika qui recherche à se dépouiller de tous les voiles, l'alchimiste cherche à libérer l'espace en vue de révéler ce qui est enfoui sous toutes ces couches. De l'agitation nous cheminons vers l'immobilité, vers le silence qui permet d'entendre ce qui est souvent couvert par le bruit interne. Nous allons vers le cœur de nous-même, vers notre essence en ôtant les conditionnements qui nous empêchent de voir. Ce qui est vide, transparent, laisse passer la lumière. Un-être pleinement réalisé ne serait donc pas celui qui a su emmagasiner le plus de connaissances mais celui qui a su dissoudre totalement l'ego qui l'empêchait d'accéder à son être profond.


Moksha et pierre philosophale une même finalité ?


Les deux approches sont fondées sur la pratique avant tout. L'alchimie comme le tantrisme recherchent l'efficacité : nous ne sommes pas dans la théorie ni dans le travail intellectuel. Ces deux voies passent par l'expérience, par le travail sur la matière. On agit sur la matière, puis sur l'énergie et le mental se modifie en conséquence. Il n'y a pas à y croire ou à ne pas y croire, c'est une suite logique de changements.


Ce qui amène à l'alchimie est ce qui amène au tantrisme : on commence la recherche pour trouver quelque chose à l'extérieur qui nous permette d'aller mieux et au final, ce processus de recherche est ce qui est à l'origine de notre mutation (interne). Le but de l'alchimie n'est pas de supprimer le plomb mais de le transmuter en or. L'objectif du tantrisme n'est pas la négation ni même la suppression des émotions mais la transmutation d'une énergie en une autre.


"On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin". Goethe


Auteur : Samantha Soreil

Avec l'aimable autorisation de la Revue Infos Yoga





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